The Powder Mage est une trilogie de fantasy qui se déroule dans un monde aux allures napoléoniennes, ce qui est d’emblée rafraîchissant quand on est habitué à la fantasy médiéval; bien que la fantasy moderne s’éloigne de plus en plus de cet archétype. En dehors de mon appréciation de l’oeuvre, dont on parlera par la suite, je dois avouer avoir passé un certain temps à me demander comment l’idée du concept est venue à l’esprit de Brian McClellan, notre chef d’orchestre durant cette aventure.
Un concept comme socle

Le monde de ce roman ne se démarque pas uniquement par la présence d’armes à feu, qui viennent apporter une certaine létalité à toutes les confrontations, mais aussi et surtout par ses systèmes de magie assez…particuliers.
De ces derniers, celui qui a provoqué mon hilarité n’est autre que le système de magie utilisé par les individus qui offrent leur nom à la trilogie, les poudremages. Après avoir lu le titre pour la première fois j’avais visualisé un vieil homme aux allures de Gandalf qui ne pouvait utiliser ses pouvoirs qu’en reniflant une ligne de cocaïne. Farfelu n’est-ce-pas?
Imaginez alors ma surprise quand je découvre que non seulement je n’étais pas loin de la vérité, mais que Gandalf avait simplement échangé son bâton pour un fusil et qu’il sniffait non pas de la cocaïne (ne faites pas ça les enfants), mais de la poudre à canon (si vous réussissez à mettre la main dessus…ne faites quand-même pas ça). Dès que j’ai fini cette revue je vais de fait sur le site de l’auteur pour en apprendre plus sur comment l’idée lui est venu et me purger de cette image de Gandalf reniflant une ligne.
Désolé si je m’égare mais je me devais de vous mettre en condition. Je ne voyais pas d’autre moyen de vous introduire à ce système de magie des plus… déroutants. Pour les amoureux de grands spectacles de lumière, de feu, de glace, etc…rassurez-vous il y a un autre système de magie qui vient s’ajouter à celui des poudremages.
Les pratiquants de ce second système de magie sont appelés « les Privilégiés ». Leur art se rapproche plus de la magie traditionnelle qu’on rencontre souvent (manipulation de l’eau, la terre, le feu, l’air et avec en bonus l’ether). Mais là aussi McClellan vient ajouter sa touche non pas par les utilisations de ce système, qui restent quand-même ingénieuses, mais par les conditions que requièrent cette utilisation.
Les Privilégiés sont facilement reconnaissables par les gants dont ils s’affublent et qui sont leur unique moyen de toucher « l’Else », la source de leur magie. Vous pouvez donc imaginez que s’ils sont incapables de « toucher » l’Else ils sont sans leurs gants, gants qu’ils portent bien sûr aux mains. Privé de ce membre ils sont alors impuissants, détail que les Poudremages n’ont pas manqué je vous le garantis.
Pour s’ajouter à tout ça il y a les « Knacked » qui sont simplement des indivdus quelconques avec une abilité unique qui leur est propre (par exemple ne pas avoir besoin de sommeil, avoir une mémoire infaillible, être capable voir dans le noir…). Ils viennent ajouter une certaine diversité à l’oeuvre et éliminé la dualité qu’on aurait pu avoir avec juste les Poudremages et les Privilégiés.
Il y a un dernier système de magie dont je ne parlerai pas au risque de spoil, mais qui est assez intéressant à découvrir au cours de l’oeuvre et qui y joue un rôle assez déterminant.
Les confrontations

La fantasy militaire est le genre dans lequel s’inscrit ce roman et comme on peut s’y attendre, les affrontements sont au cœur de l’histoire. Cette dernière débute d’ailleurs par un Coup d’état réalisé par l’un de nos protagonistes principaux. Cet acte provoque un chamboulement dans l’ordre du monde dans lequel l’oeuvre se déroule. L’armée a assassiné le Roi et veut instaurer une république démocratique, concept assez nouveau pour les royaumes voisins, qui n’hésitent pas à profiter de cette occasion pour essayer d’engloutir la jeune république.
Les affrontements ne sont jamais là juste pour vous faire passer le temps. Si un poudremage attaque un privilégié c’est toujours pour une raison précise, si une créature est envoyée pour assassiner le chef de l’armée ce n’est pas parce que ça donne lieu à un affrontement épique (ce qui est le cas) mais surtout parce que les royaumes voisins essaient de se débarrasser de lui, ou qu’il y a un traître dans ses rangs.
Les systèmes de magie offrent une autre dimension à ces confrontations, leurs permettant de chaque fois se renouveler et ne pas paraître répétitifs. Les facultés des poudremages qui leur mettent de détonner des charges de poudre à distance ou encore d’en inhaler pour décupler leur force et voir plus loin sont le parfait exemple de la diversité des tactiques employées.
On passe facilement d’un affrontement au corps à corps entre des individus avec une force surhumaine, à des assassinats fait à distance en détonnant un baril de poudre ou encore, à un tir de précision effectué à distance uniquement à l’aide d’une vision améliorée.
Les privilégiés viennent aussi avec leur lot d’ingéniosité et la tension est toujours haute quand l’affrontement les oppose à des poudremages.
Mais c’est ici qu’intervient ma première critique négative. Les affrontements entre poudremages sont inexistants. Bien qu’il y ait une excellente raison valable à cela, je ne peux m’empêcher de penser que l’auteur à trouver un moyen de s’éviter un mal de crâne pour écrire des confrontations qui auraient pu être assez intéressantes. Ceci est plus une critique personnelle que constructive mais je me devais de la relever car tout le long je me suis questionné sur ce que ça ferait de mettre deux poudremages l’un face à l’autre. Chacun capable de détonner les charges de l’autre, ils seraient obligés d’avoir recours à la distance et aux tirs de précision, ou au corps à corps pour avoir le dessus. J’ai longtemps fantasmé sur cette éventualité et je n’ai jamais été servi donc me voilà à me plaindre comme un enfant gâté non satisfait de ce qu’il a dans son plat.
L’intrigue

Comme mentionné plus haut l’histoire débute sur un Coup, ce qui peut facilement effrayé le lecteur: « je ne connais rien à ce monde », « qui sont ces gens? », « pourquoi un ils tuent tous ces nobles? », « on va suivre les méchants dans cette histoire? ».
McClellan vient dès le démarrage faire preuve d’ingéniosité en changeant tout simplement le point de vue de départ. Au lieu de débuter par notre chef d’armée Tamas, on découvre l’intrigue à travers les yeux d’un ancien inspecteur de la police, Adamat. Un homme étranger au Coup qui apprend en même temps que nous qu’il vient d’être commis. Au lieu d’être jeté dans le chaos d’un monde en ébullition auquel on ne comprend rien, on est plutôt dans le chaos des pensées de notre inspecteur, qui a l’esprit plein de questions.
C’est là un excellent moyen à la fois d’en apprendre plus sur les acteurs du Coup, sans qu’on ait l’impression que ce soit de l’exposition, et de nous montrer la réaction d’une personne du peuple face à la mort de son Roi, nous donnant une idée de quel genre de dirigeant il était.
L’ingéniosité de McClellan ne s’arrête pas là mais ce n’est que le reflet de ce qu’il parvient à tisser durant toute la trilogie. Nos quatre protagonistes sont soigneusement choisis et nous amènent chacun dans différents recoins de ce monde, tout en restant connectés:
Tamas à la tête de l’armée affrontant les conséquences de son Coup.;
Taniel un poudremage en mission hors du royaume sur ordre de son père Tamas;
Nila une jeune servante chez un noble, assassiné par l’armée durant le Coup, essayant de survivre au chaos des événements dans la capitale;
Adamat l’inspecteur doté d’une mémoire infaillible qui enquête sur un potentiel traître au sein du conseil de Tamas.
Vous pouvez déjà apercevoir le fil qui relie chacun d’entre eux et il est toujours satisfaisant de voir leurs chemins s’entre-couper. L’histoire de chacun d’entre eux sert l’intrigue et ils ne se contentent pas juste de se faire malmener par les événements, ils prennent des décisions qui influencent le cours de l’histoire et sont toujours plaisants et attachants à suivre.
Là encore j’ai un « Mais » et il est lui aussi plus subjectif qu’autre chose (c’est ma revue je fais ce que je veux). J’aurais aimé qu’on suive peut-être un antagoniste ou que de temps à autre on ait un chapitre ou bien même un passage, qui nous donne un aperçu des machinations des antagonistes au cours de l’histoire, plutôt que de les découvrir en même temps que les protagonistes.
Pensez à un Niveau de Mario. Vous arrivez par le portail il y a pleins d’obstacles devant vous et vous les dépassez l’un après l’autre. Maintenant imaginez que pendant ce niveau il y ait une petite cinématique qui montre Bowser, notre gentille tortue qui cherche l’amour, poser des pièges dans le niveau suivante, un sourire machiavélique sur son visage.
Automatiquement la tension monte et le lecteur (en l’occurrence le joueur) est plus investis dans le jeu. Il n’a pas simplement l’impression que le personnage agit mais aussi que l’antagoniste réagit à ses actions, ce qui élève les enjeux et installe de la tension.
C’est la raison pour laquelle le second tome reste le meilleur pour moi (même si les trois se complètent), car la tension est à son paroxysme dès le départ et on à l’occasion de voir les protagonistes se dépatouiller pour survivre, laissant le lecteur sur un ascenseur émotionnel constant.
Le dilemme du « C’était un… »

Ce que j’appelle le dilemme du « C’était un… » est assez commun et constitue ma seule réelle critique négative et que je pense pouvoir considérer comme objective.
Le fait que l’histoire débute après le Coup vient ici jouer en défaveur de Brian. On apprend les motifs personnels et patriotiques qui ont mené au Coup. L’un d’entre eux étant que le Roi allait signer un accord avec un autre Royaume (Kez) qui, dans les grandes lignes, assujettissait les habitants de son Royaume (Adro), afin de régler les dettes qu’il avait généré suite à sa mauvaise gestion du trône.
Ce motif bien qu’étant valable, n’a pas beaucoup d’impact sur moi en tant que lecteur puisque tout ce que ça représente pour moi c’est un « C’était un… ». Le Roi était un mauvais Roi. Tout ce que je sais de lui par la suite c’est ce que d’autres personnes en disent et même si je n’en doute pas, cela aurait eu plus d’impact si l’auteur nous montrait les rues de la capitale, le mode de vie des habitants sous le règne du Roi, les conséquences de sa mauvaise gestion.
Le même problème revient quand l’invasion Kez est imminente. L’Armée Kez est décrite comme impitoyable envers les habitants d’une ville qu’elle réussit à prendre. OK. Je veux bien qu’ils soient des méchants mais ils ne m’inspirent pas une once de terreur. Même quand ils capturent une ville par la suite on n’a pas un réel aperçu de ce qu’ils font aux habitants. Juste ce que les gens (nos protagonistes en l’occurrence) en disent.
C’est d’ailleurs une autre des raisons pour lesquelles je trouve que le second tome est le meilleur. On a un aperçu des actes horribles que l’armée Kez commet pour gagner une bataille, mais on ne les voit les commettre que sur leurs habitants et ceux d’un autre royaume, ce qui ne réussit pas à m’atteindre personnellement.
Ces petites lacunes retirent de la tension à l’oeuvre, tension qui aurait pu la rendre encore meilleure.
Une représentation rafraîchissante

Je ne pouvais finir cette revue sans parler d’un point que j’ai remarqué et qui m’a étrangement fait plaisir.
Il s’agit de la représentation des femmes dans l’oeuvre. Les armes à feu et la magie étant les moyens principaux de combat, il n’y avait aucune raison valable pour qu’il n’y ait pas de femmes dans l’armée et à n’importe quel grade. Et l’auteur y a pensé. A chaque fois qu’un personnage est présenté il a autant de chance d’être un homme comme un femme, ce qui reste assez rare même dans les œuvres modernes.
On ne peut s’empêcher de remarquer que McClellan n’écrit pas des personnages féminins mais simplement des personnages. Et j’ai trouvé ça rafraîchissant. D’autant plus que ça offre des affrontements encore plus sensationnels.
C’est beau de voir David affronté et terrasser Goliath. C’est encore mieux quand David est une femme et que Goliath a amené ses cousins.
Bien sûr ce genre de situations n’est possible que grâce aux systèmes de magie présents dans l’oeuvre, qui exploite à merveille l’une des forces du genre de la fantasy.
Il y a tant de choses à dire à propos de cette trilogie, mais fine est la ligne qui sépare les informations utiles à celles qui pourraient ruiner votre lecture. Je recommanderais ce livre à quiconque a un certains intérêt pour la fantasy et les différentes formes qu’elle peut prendre. Les amateurs de systèmes de magie originaux et les amoureux de « flintlock fantasy » (présence d’arme à feu) en auront aussi pour leur compte.